Engagement aux points d'intervention
L'obtention de l'accès aux institutions publiques facilite grandement les efforts de suivi. Mais le suivi des processus politiques reste un moyen pour arriver à ses fins. Au cours de votre activité de suivi, vous découvrirez des actions du gouvernement, ou vous serez confronté à leur absence, ce qui nécessitera des interventions de votre part pour faire avancer vos objectifs. Il s'agit d'engager les responsables des pouvoirs publics sur le plan politique afin de modifier les actions, les comportements et les pratiques.
Les activités de suivi peuvent exposer les failles d'un processus institutionnel qui peut être très sensible aux yeux des pouvoirs publics. Les mauvaises performances, l'absence de progrès, la mauvaise gestion des ressources publiques et les activités de corruption nécessitent une intervention pour être corrigées. Naturellement, cette intervention doit se faire après que les activités de suivi aient permis de réunir suffisamment de preuves. Mais il s'agit de sujets sensibles, et l'intervention civique dans de telles questions nécessite un engagement prudent avec les pouvoirs publics. Le fait de se contenter de dénoncer les pratiques identifiées lors du suivi n'aboutit pas souvent pas à des résultats significatifs. Ainsi, vous devrez vous engager dans un débat plus public avec les agents publics et même accompagner votre de suivi par des campagnes de plaidoyer.
Les groupes thématiques qui font le suivi d'un processus gouvernemental peuvent avoir des buts qui nécessitent d'influencer une politique. Ainsi, après un certain suivi, vous arriverez à un moment du processus où vous devrez engager les institutions à influencer la politique.
Les activités de suivi peuvent être bénéfiques pour les groupes qui cherchent à intervenir dans la gouvernance et la politique, car elles offrent l'occasion d'établir des relations et la confiance avec les agents publics. Néanmoins, il est essentiel de protéger l'objectivité du suivi et l'indépendance politique du groupe civique en charge du suivi pour gagner le respect de l'institution cible et la crédibilité du public.
Instauration des relations et préservation de l'impartialité
Les exercices de cartographie du pouvoir sont également importants pour vous permettre d'identifier les points d'entrée de votre activité de suivi. Lorsqu'il est difficile d'accéder aux informations, aux documents et aux institutions, vous devez trouver des points d'entrée parmi les « soutiens » ou les champions au sein des institutions d'un gouvernement ouvert pour commencer votre suivi. En utilisant ces points d'entrée, vous pouvez commencer à utiliser vos techniques de suivi pour promouvoir la gouvernance ouverte.
Le suivi en vue de l'ouverture du gouvernement nécessite d’établir des relations avec les institutions cibles et les agents publics qui dirigent ces institutions. Une fois qu'une certaine confiance est instaurée entre les groupes civiques et les institutions publiques, ces dernières finiront par s’ouvrir. Il est très rare que les institutions envisagent la fermeture d'un espace, et elles ne le font que lorsque les agents publics deviennent hostiles à la participation civique ou à la couverture médiatique. Vous devez faire preuve de prudence et éviter de telles situations, mais aussi être prêt à utiliser la pression publique si cela se produisait. La meilleure façon d'éviter une gouvernance fermée et d'évoluer vers une plus grande ouverture est de gagner la confiance des institutions dans l'idée que les efforts de suivi contribuent à une meilleure gouvernance et à l'amélioration des performances de l'institution en question.
L'une des façons les plus courantes pour les groupes civiques de nouer des relations avec les institutions publiques est de convenir d'un protocole d'accord (MoU) lorsqu'une initiative de suivi est entreprise. C'est très courant pour une initiative de suivi parlementaire ou pour le suivi d'un programme gouvernemental qui est sur le point d'être mis en œuvre. Même le suivi par le biais d « audits sociaux » doit tout aussi rechercher le soutien officiel des institutions publiques, dans la mesure où elles peuvent contribuer à améliorer la gestion des marchés publics. Ces protocoles d'accord entre une institution et un groupe civique impliquent en général que l'institution garantisse au groupe civique l'accès aux documents, aux réunions et autres rencontres publiques, tandis que le groupe civique garantit l'impartialité politique, en admettant de ne pas nuire à l'institution ou au processus par des critiques sans fondement, et qu'il s'engage à faire des recommandations constructives. Trouver des points d'entrée et des soutiens au sein de l'appareil peut être crucial pour donner un coup de pouce à ces protocoles d'accord.
Si l'instauration de relations avec les institutions publiques est importante dans le cadre du suivi civique, il est par contre difficile de protéger l'impartialité et l'objectivité du processus. Les responsables publics sont très soucieux de leur réputation et de la perception de leurs performances, et le suivi et la couverture détaillée de leur travail peuvent être perçus comme une menace. C'est pourquoi, très souvent, les groupes civiques qui effectuent un suivi sont taxés de rouler pour d'autres forces (partis d'opposition, agendas de quelqu’un ou même agences étrangères). Dans ces conditions, les responsables publics peuvent vouloir influencer ou conditionner un groupe civique pour qu'il n'accorde un espace de suivi uniquement que s'ils sont représentés favorablement dans leurs performances.
Il est important de noter que le trait caractéristique le plus important qu'un groupe de suivi civique puisse avoir est la crédibilité. Si un groupe de suivi perdait sa crédibilité auprès du public, des médias ou des responsables publics parce qu'il peut sembler subjectif à l'égard de l'influence politique, il sera difficile pour lui d'être pris au sérieux ou d'avoir un quelconque effet positif à long terme. Il peut être difficile de maintenir l'impartialité et la crédibilité des objectifs de suivi, en particulier lorsque les lois ne garantissent pas l'accès aux informations publiques et que les groupes doivent s'en remettent à la seule appréciation des responsables des pouvoirs publics. Dans ce cas, la cartographie du pouvoir, l'engagement stratégique auprès des agents publics, le temps et la patience deviennent des alliés plus importants.
Évaluation des risques dans les sociétés autoritaires et semi-autoritaires
Les initiatives de suivi des processus politiques offrent aux citoyens un mécanisme de promotion de la redevabilité et d'accroissement de la transparence de l'action gouvernementale. L'idéal serait que le suivi de l'action gouvernementale devienne une partie intégrante du rôle de la société civile dans les processus politiques. Cependant, dans les pays où l'espace politique est limité ou se ferme, les activités de suivi de la société civile peuvent sembler menaçantes pour les personnes au pouvoir. Par conséquent, l'accès à l'information peut être limité et la capacité de la société à suivre l'action du gouvernement peut être entravée, ce qui peut même conduire à des menaces physiques ou des détentions. Dans ces contextes, les risques doivent être examinés de près et gérés. Vous devez passer maître dans l'art de protéger et d'optimiser le peu d'espace politique disponible. Dans certains cas, le suivi peut être un moyen d'élargir l'espace politique et de faire entendre la voix de la société civile de manière significative. Lorsque l'espace est limité pour mener le suivi et demander des comptes au gouvernement, il peut être bénéfique de travailler en réseau ou en coalition, car l'union fait la force, et l'exploitation des relations existantes est essentielle pour surmonter les difficultés d'accès à l'information et de diffusion des conclusions.